INTRODUCTION
L’entrée messianique de Jésus à Jérusalem est un des
épisodes très particuliers racontés
dans les Evangiles. Jésus vient à la rencontre
de son peuple comme un Roi-messie. Le peuple manifeste son soulagement à
l’arrivée du Sauveur. Cette arrivée préfigure le salut tant attendu en faveur du
peuple meurtri par l’oppression politique, sociale, religieuse, culturelle,
linguistique. L’attente pour tous, certes, reste celle de voir un messie pour
libérer les opprimés. En effet, la vie de Jésus ne va pas sans susciter l’image
d’un sauveur à la vue de ses contemporains. Ceux-ci les connaissent bien puisque sa
renommée va de plus bel dans tout Israël où il accomplit des signes à leurs
vues.
Par conséquent, partout où il passe, il est reconnu. Et
lui reconnait tout celui qui a besoin de lui, en ce sens qu’il ne reste pas
indifférent envers tous ceux qui le cherchent en raison de leurs infirmités ou
ayant besoin d’une intervention toute particulière pour leurs membres de
famille ou voulant écouter son enseignement. Lui-même appartenait au peuple
juif auquel il adhéra de tout son être, du point de vue religieux et culturel
de son époque. De cette façon, sa célébrité est rayonnante, de Galilée à
Jérusalem où désormais va accomplir son ministère salvifique.
Telle est la grande préoccupation au cœur de notre
investigation. Nous y parlons d’abord de l’aspect historique, c’est-à-dire que
nous cherchons à comprendre le contexte dans lequel le peuple élu attend un
messie pour sortir de l’oppression menée par des ennemis de la paix et de la
concorde. Ensuite, il est question d’y relever une dimension spirituelle et
théologique afin de noter que Jésus qui entre en Jérusalem, la ville sainte,
pour sauver son peuple, se révèle comme Messie pour tous les peuples de tout lieu
et de tout temps. Cette recherche s’appuie sur les Saintes Ecritures et sur
certains auteurs qui sont à notre disposition. Toutefois nous n’avons pas à
faire, ici, à un travail exhaustif, son enrichiment sera pour nous la bienvenue
afin de l’approfondir davantage.
Le peuple juif a connu, au cours des siècles, une
histoire toute particulière qui a fait de lui un peuple élu par Dieu. En effet,
elle est d’abord marquée par l’esclavage en Egypte, la sortie d’Egypte ( au
mois d’Abib :Ex23,15) grâce à la révélation
de Dieu faite à Moise (Ex13,17.14-15,1-21), la marche au désert (Ex15,22-27) où
les Israélites mangèrent la manne pendant quarante ans jusqu’à ce qu’ils
arrivent en pays habilité, ils arrivèrent en pays de Canaan (Ex16,35). Ensuite,
après une période de stabilité dans la terre promise avec la répartition du
pays entre les tribu (Jos13), Israël est confronté aux cananéens (Juges 4).
Et comme si cela ne suffisait pas, en 586 av. J.C., Nabuchodonosor,
conquit la capitale juive (Jérusalem) et la détruisit. Ce qui provoqua l’exil
des habitants vers Babylonie. Cyrus, roi des Perses, conquit la Babylonie et
permit aux Juifs exilés de rentrer en Judée et en Jérusalem en 538 av. J.C. Le
peuple se reconstitua et reconstruisit la ville ainsi que le second temple. Ce qui inaugure une autre série de périodes
importantes de son histoire. La période perse célèbre Cyrus comme le libérateur
d’un peuple meurtri par la déportation du fait qu’il est celui qui a proclamé
le retour de l’exil ( 2 Chroniques 36,22-23 ; Esdras 1-4). Parmi les
retournés, sont nommés Esdras et Néhémie qui nous rapportent qu’après le retour
de l’exil, la plus grande préoccupation du fut de reconstruire le temple mais
va occasionner une lutte entre Juifs et Samaritains mais aussi entre Juifs et
païens.
A ce sujet, Fréderic Manns nous dit que « la reconstruction du temple fut la préoccupation
principale de ceux qui étaient rentrés d’exil. Cependant les sources littéraires
demeurent imprécises. Au dire de Za 4,9 Zorobabel en posa les fondations et
acheva les travaux. Mais selon Esd 1,8 et 5,14-16 le temple aurait été reconstruit par le gouverneur Shesbassar bien
avant Zorobabel. La reconstruction du temple occasionna des luttes entre
Samaritains et Juifs »[1].
De la même façon, la Grèce va conquérir le monde y
compris la Palestine. C’est l’invasion conduite par Alexandre le Grand à partir
de 333 avant Jésus-Christ. Le monde juif se trouvera hellénisé. Le conflit
entre Juifs et Grecs va compromettre la paix sociale, économique, culturel,
linguistique et surtout religieux. S’ensuit la période des Maccabées entre 167
et 140 avant Jésus-Christ. La révolte des Maccabées contre les Séleucides
conduisit à leur première victoire à Emmaüs (1M4) et permit de reprendre Jérusalem,
de purifier le temple et de faire la dédicace
de l’autel (1M4,36)[2].
Par contre, le conflit persista jusqu’à ce qu’on fit
appel aux Romains dans la première moitié du Ier siècle av. J.C. A la mort de
Salomé, ses deux fils, Hyrcan II et Aristobule II, entrèrent en conflit.
Aristobule essuya une défaite à Jéricho. Antipater l’Iduméen intervint, car son
père était administrateur de Jannée. Il tenta de convaincre Hyrcan II de chercher
secours à Petra contre Aristobule. Pompée, alors empereur romain, qui était en
orient pour régler les problèmes avec les Séleucides fut appelé en 63 par
Aristobule et par Hyrcan. Ainsi Rome fit son apparition sur la scène
politique de Judée qu’elle gouverna de 6 ap. J.C à 41ap. J.C. par l’intermédiaire des procurateurs qui résidaient à
Césarée[3]
puis jusqu’à 66 avant la destruction du temple en 70 par l’empereur Titus qui établit
son autorité à Jérusalem et mit en fuite tous les Juifs qui, par la suite, s’organisèrent
à Jabné sous la direction de Rabbi Johanan ben Zakkay[4]. L’arrivée
des Romains entraina la soumission totale du peuple juif même si les zélotes tentèrent
de s’y opposer. Ces zélotes, avec jean de Giscala pour chef, ne toléraient pas que le pays soit gouverné
par les étrangers. Mais leur projet tourna casaque. Les Romains régnèrent en chefs.
Ainsi les Juifs avaient besoin d’un libérateur pour
sortir de ce désastre, d’un roi-messie, d’un rédempteur puisqu’à en croire
André Chouraqui :
« Le moteur secret du dynamisme interne de cette histoire se situait dans
la conscience qu’avaient les Juifs d’avoir été l’objet de la visitation du
verbe et d’être engagés de ce fait au cœur de la tragédie de l’histoire :
la déréliction de l’exil avait un sens, les souffrances n’apparaissaient pas
vaines, la fidélité n’était pas absurde : tout Israël s’ordonnait par
rapport à l’Espérance concrète, charnelle, pourrait-on dire, du Messie, l’homme
consacré par l’onction du Seigneur pour apporter le salut, est bien pour les
rabbins, l’alpha et l’Omega des Ecritures et de la création, le point epsilon
vers lequel se dirige l’histoire de l’humanité entière. La Torah, les Prophètes
et davantage encore l’histoire sont interprétés en fonction de son règne »[5].
L’arrivée du Messie fut annoncée par Jean-Baptiste en
disant : « Vient derrière
moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant,
de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau,
mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint » ( Marc1,6-8 ;
Matthieu 3,11). Et au début de sa vie publique, Jésus annonce l’arrivée tout
proche du royaume en disant : « Le
temps est accompli et le royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous
et croyez à l’Evangile » (Marc 1,15). Il est le roi qui vient sauver
un peuple lésé par l’oppression étrangère du point de vue religieuse, politique,
social, linguistique. Il est l’image visible du Dieu invisible. Cela se
manifeste dans la prédication et dans l’accomplissement des miracles. Ce qui entraîne
sa renommée en Galilée, en Judée et dans tout le pays d’Israël. C’est pourquoi,
à son passage, il est attendu par des aveugles, des boiteux, des estropiés, des
possédés, des affamés. Il est partout suivi par des foules en ce sens qu’il est
accueilli comme un rédempteur. Par conséquent, son entrée solennelle à
Jérusalem vient s’inscrire dans ce contexte où le peuple élu voit son salut.
L’Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc nous apprend
ce qui suit : « Ayant dit cela, il partait en tête, montant à
Jérusalem. Et il advint qu'en approchant de Bethphagé et de Béthanie, près du mont
dit des Oliviers, il envoya deux des disciples, en disant: "Allez au
village qui est en face et, en y pénétrant, vous trouverez, à l'attache, un
ânon que personne au monde n'a jamais monté; détachez-le et amenez-le. Et si
quelqu'un vous demande: Pourquoi le détachez-vous? Vous direz ceci: C'est que
le Seigneur en a besoin. "Etant donc partis, les envoyés trouvèrent les
choses comme il leur avait dit. Et tandis qu'ils détachaient l'ânon, ses
maîtres leur dirent: "Pourquoi détachez-vous cet ânon?" Ils dirent:
"C'est que le Seigneur en a besoin." Ils l'amenèrent donc à Jésus et,
jetant leurs manteaux sur l'ânon, ils firent monter Jésus. Et, tandis qu'il
avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. Déjà il approchait
de la descente du mont des Oliviers quand, dans sa joie, toute la multitude des
disciples se mit à louer Dieu d'une voix forte pour tous les miracles qu'ils
avaient vus. Ils disaient: "Béni
soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur! Paix dans le ciel et gloire
au plus haut des cieux!" Quelques Pharisiens de la foule lui dirent:
"Maître, réprimande tes disciples." Mais il répondit: "Je vous
le dis, si eux se taisent, les pierres crieront » (luc19,28-40).
De la même façon, Marc nous apporte l’épisode en y
ajoutant quelque élément important : « Et ceux qui marchaient
devant et ceux qui suivaient criaient: "Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Béni soit le
Royaume qui vient, de notre père David! Hosanna au plus haut des cieux!"
Il entra à Jérusalem dans le Temple et, après avoir tout regardé autour de lui,
comme il était déjà tard, il sortit pour aller à Béthanie avec les Douze »
(Marc 11,9-11).
En plus, Matthieu, y adjoint sa
particularité : « Les foules qui marchaient devant lui et celles
qui suivaient criaient: "Hosanna au
fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus
haut des cieux!" Quand il entra dans Jérusalem, toute la ville fut agitée.
"Qui est-ce?" Disait-on, et les foules disaient: "C'est le
prophète Jésus, de Nazareth en Galilée." » (Matthieu21,9-11).
Enfin, Jean, en reprenant le même épisode, nous montre
pourquoi Jésus est accompagné solennellement des foules pour son entrée
messianique : « Le lendemain, la foule nombreuse venue pour la
fête apprit que Jésus venait à Jérusalem; ils prirent les rameaux des palmiers
et sortirent à sa rencontre et ils criaient: "Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur et le roi
d'Israël!" Jésus, trouvant un petit âne, s'assit dessus selon qu'il
est écrit: Sois sans crainte, fille de Sion: voici que ton roi vient, monté sur
un petit d'ânesse. Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d'abord; mais
quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de
lui et que c'était ce qu'on lui avait fait. La foule qui était avec lui, quand
il avait appelé Lazare hors du tombeau et l'avait ressuscité d'entre les morts,
rendait témoignage. C'est aussi pourquoi la foule vint à sa rencontre: parce
qu'ils avaient entendu dire qu'il avait fait ce signe. Alors les Pharisiens se
dirent entre eux: "Vous voyez que vous ne gagnez rien; voilà le monde
parti après lui!"(Jean 12, 12-18).
Tous ces textes relatent un événement commun : le
Christ qui entre dans sa gloire. Les foules crient derrière lui : Hosanna !
Beni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Ce qui nous amène à
analyser le sens du mot ‘’Hosanna’’.
Dans la liturgie juive, les Hoshannot sont un cycle de prières propre à la fête des cabanes (Souccot), qui se
tenait autrefois dans le Temple de Jérusalem, et de nos jours à la synagogue. Lors des six premiers jours de Souccot, on défile autour de l'estrade sur laquelle on lit la Torah avec des branches de palme, de saule, de myrte et
un cédrat ; le cycle est lu au
septième jour de la fête, appelé pour cette raison Hoshanna
Rabba (« Grande Hoshanna »),
au cours duquel on réalise les mêmes processions avec des branches de saule.
Le mot hoshanna est composé de l'impératif du verbe sauver (hosha, « sauve ») et
d'une particule de déprécation (na,
« s'il -te-plait »). Il est donc proche de l'exclamation hoshya na ( « De grâce, secours-nous, au secours») de
Psaumes 118:25, que les Juifs lancent à Dieu lors du Hallel, qui est lu à la néoménie, lors des trois festivals bibliques (Pessa'h, Chavouot et Souccot) et des 8 jours de Hanoucca (les sionistes religieux le récitent également lors de la fête
d'indépendance d'Israël). Bien que le
terme de hoshanna ne se trouve pas dans la Bible hébraïque, il ne s'agit ni d'une corruption de hoshya na comme le suppose Jérôme de Stridon, ni d'un terme judéo-araméen, comme le suggère Elia
Levita (la racine י-ש-ע Y-SH-’ n'existe pas en araméen) mais de
la forme hiphil auquel l'enclitique na est
adjoint.
Hosanna semble avoir
un sens différent dans les Évangiles, où il est employé comme un cri de joie, employé notamment lors
de l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, le jour des Rameaux, au cours
duquel les fidèles prennent des branches de palme afin de réaliser des
processions, selon la liturgie
de Jérusalem. Diverses tentatives ont été faites pour expliquer que cette cérémonie, si
ressemblante à celle des Hoshaanot de Souccot (un festival
d'automne), ait lieu aux alentours de la Pâque (un festival
de printemps).
Dès le XIXe siècle quelques biblistes critiques ont soutenu qu'il s'agit d'une erreur, et que les faits se sont passés à Souccot, mais on considérait comme plus probable à l'époque que la cérémonie décrite ait été en usage auprès des Juifs lors de toute cérémonie joyeuse, et que le terme de Hoshana avait perdu son sens originel bien avant les événements décrits dans les Évangiles.
Dès le XIXe siècle quelques biblistes critiques ont soutenu qu'il s'agit d'une erreur, et que les faits se sont passés à Souccot, mais on considérait comme plus probable à l'époque que la cérémonie décrite ait été en usage auprès des Juifs lors de toute cérémonie joyeuse, et que le terme de Hoshana avait perdu son sens originel bien avant les événements décrits dans les Évangiles.
Selon des travaux plus récents des
biblistes comme Hyam
Maccoby, cette fête, dont ils soulignent le caractère messianique, aurait
ultérieurement été décalée dans le calendrier chrétien. Pour les
théologiens catholiques, par exemple Jean Daniélou ou Philippe
Rouillard, la fête de Souccot trouve sa résurgence à la fois dans la fête des Quatre-Temps et dans celle
des Rameaux. Le hosanna
a été rapidement inclus dans la liturgie chrétienne.
Il est repris deux fois par la liturgie catholique : dans le Sanctus qui est la proclamation de la sainteté divine par les fidèles et au moment où va être renouvelé le sacrifice eucharistique.
Il est repris deux fois par la liturgie catholique : dans le Sanctus qui est la proclamation de la sainteté divine par les fidèles et au moment où va être renouvelé le sacrifice eucharistique.
Dans le protestantisme, l'expression
est utilisée dans de nombreux chants. Le mot est devenu également la composante
du nom de nombreux groupes et ainsi que d'une dénomination évangélique[6].
Dans cette acclamation, nous
voyons le peuple exalter le salut arrivé pour lui. D’aucuns estiment que c’est
pour la dernière fois que le peuple juif reconnait en Jésus le Messie qui vient
sauver son peuple. Ce salut arrive, en particulier, pour le peuple juif et pour toute l’humanité,
en général.
Par contre, les Juifs de nos
jours continuent à attendre le Messie étant donné qu’ils ne reconnaissent pas
en Jésus, le messie qui entre glorieux en Jérusalem, et annoncé par les
prophètes (Zacharie 9,9-10).
Cette hérésie apparaît au XVII
siècle ap. J. C. lorsque le peuple juif se trouve encore une fois en exil. La
souffrance de l’exil devient plus intolérable lorsqu’il est conçu dans sa
réalité ontologique et grandit la soif du retour. La Cabbale, en divulguant ses
doctrines eschatologiques et messianiques, exacerba l’impatience des captifs du
ghetto et prépara les esprits à la grande révolte juive contre l’orthodoxie médiévale.
Le réveil messianique, favorisé par les persécutions de l’Inquisition et les
exils enfin, faisait paraître imminente apocalypse du messie de gloire.
Sabbatai Zévi (1626-1676) en
proclamant, à Smyrne, un jour de
l’année 1665, le Messie attendu par Israël, mit le feu aux poudrières de
l’exil. L’entrée du messie à Jérusalem, son voyage triomphal en Terre sainte et
dans les grands centres méditerranées de la diaspora, déchainèrent une vague
formidable d’enthousiasme mystique. L’instant de la rédemption
approchait : par les mortifications, la prière, chacun se préparait du
mieux qu’il pouvait au grand retour. On vendait tout pour se mettre en route
vers Jérusalem : le nouvelle déborda les ghettos : le monde entier,
parfois pour en rire, retentit de la nouvelle. L’heure du grand miracle avait
sonner pour Israël. Entouré par ses disciples qui élaboraient déjà la théologie
de son événement, et de Sara, la visionnaire qui accourut de Livourne pour
devenir son épouse, Sabbatai, se crut l’incarnation du Messie et se laissa
diviniser par la ferveur des foules : du Maroc au Danemark, de Turquie en France,
l’enthousiasme était général.
La petite communauté juive du
comtat Venaissin se prépara à partir pour le royaume de Juda, au printemps
1666, et Bossuet ne dédaigna pas de mentionner l’événement. Sabbatai mit alors
le cap sur Constantinople pour se faire reconnaître Roi d’Israël par le Sultan,
mais dès son arrivée sur la cote des Dardanelles, il fut arrêté, enchainé et
conduit en prison. Il ne cessa de se conduire en messie, déclarant abrogée la Loi
de Moise et promulguant sa loi. La Porte commençait à s’inquiéter de l’ampleur
du mouvement, lorsque brusquement, cédant aux menaces du Sultan, Sabbatai renia
le judaïsme et se convertit à l’Islam. Il avisa les siens qu’il agissait ainsi
sur l’ordre de Dieu. L’apostasie ne découragea pas les disciples qui trouvèrent
mainte explication pour justifier l’apostasie du Messie dont ils attendirent le
retour et le triomphe. La secte garda partout des adhérents et les Donme perpétuèrent
longtemps sa présence en Turquie.
L’hérésie sabbatienne alluma en
Europe de nombreux mouvements prophétiques et messianiques. Le plus
considérable est celui qu’anima Jacob Franck (mort en 1791). Ce Juif podolien
persuada les Donme de Turquie qu’il était la réincarnation de Sabbatai Zévi et
la deuxième personne de la sainte trinité. Le mouvement gagna des adeptes à
travers l’Europe. A Brodys, une conférence rabbinique excommunia solennellement
les franckistes qui furent dénoncés aux autorités ecclésiastiques. Pour se
défendre, Franck présenta une profession de foi christianisante : au nom
de la Cabbale, il entra en guerre contre le Talmud. Des controverses publiques
survinrent : le Talmud fut vaincu et on brula par milliers
d’exemplaires. A la suite d’une deuxième discussion publique
entre talmudistes et franckistes, ces derniers acceptèrent le baptême : le
roi de Pologne servit de parrain à Jacob Franck. En 1760, le caractère hérétique
des nouveaux chrétiens fut reconnu et dénoncé par le clergé. Jacob fut
emprisonné : aux yeux de ses disciples c’était l’épreuve nécessaire et la
confirmation de sa vocation messianique. Libéré après une longue détention, il
poursuivit pendant près de vingt ans, son œuvre d’autodéification, parfois
scandaleuse, en Moravie et en Allemagne. Sa fille, Eve continua de se prétendre
l’incarnation de Dieu jusqu’à 1817. La secte eut des disciples en Allemagne et
en Pologne : ils pratiquaient extérieurement le catholicisme en maintenant
secrètement le culte hérétique que Franck avait introduit[7].
IV.
LA CELEBRATION LITURGIQUE DE L’ENTREE
MESSIANIQUE DE JESUS
L’Eglise catholique romaine fait
mémoire de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, le dimanche précédant
celui de Pâques, dit dimanche des rameaux et de la passion du Christ.
![]() |
La procession du Dimanche des Rameaux (20/03/2016): De Bethphagé à Jérusalem. |
A Jérusalem, tout commence le
samedi, c’est-à-dire la veille du dimanche des rameaux. Les religieux de
l’Ordre des Frères Mineurs Franciscains, reconnus par toute l’Eglise comme les
custodes des lieux saints, célèbrent la messe ce même samedi à Bethphagé
(maison des figues). Bethphagé est situé à l’Est de Jérusalem sur le versant
Est du Mont des oliviers en quelque 3,5 km de la ville sainte. Les franciscains
y ont construit un sanctuaire en mémoire, en tant que lieu de départ de
l’entrée triomphale de Jésus. En effet, c’est là que Jésus monta sur un ânon.
Les frères sont une centaine à la messe, les prêtres comme les non prêtres, les
séminaristes du même ordre, les religieux et religieuses des congrégations
confondus, les fidèles laïcs et une foule de pèlerins. Tous participent à cette
eucharistie présidée par le custode de Terre sainte (supérieur des Franciscains
de Terre sainte) le samedi autour de 09h00 tandis que celle de la passion et de
la bénédiction des rameaux est célébrée le dimanche (06h30) par le Patriarche
de Jérusalem. Elle dure plus ou moins trois heures vu l’importance des lectures
et des participants à cette fête.
Le même dimanche, l’Eglise latine
de Jérusalem commémore l’entrée triomphale de Jésus par une procession.
Celle-ci commence à Bethphagé, vers 14h00’sur l’esplanade du sanctuaire,
présidée par le Patriarche entouré du custode, des évêques auxiliaires et d’une
multitude de prêtres. Aussi les séminaristes diocésains, franciscains,
salésiens, et d’autres religieux et religieuses sont-ils concernés. Au cours de
la procession, on remarque parmi les
frères mineurs, la présence de petits enfants, d’au moins cinq ans, habillés en
Franciscains. Cela fait la joie de tous les participants. Les fidèles laïcs
(parmi lesquels, les Scouts) de Terre sainte, les pèlerins venant du monde
entier, s’accommodent à célébrer cet événement dans une joie immense. On fait
monter un séminariste sur un ânon pour revivre le même geste de Jésus.
![]() |
Un séminariste monte sur un anon pour reprendre le geste de Jésus. |
Ces
groupes ci-haut scandent des chants dans différentes langues mais le trait
d’union pour tous, c’est « Hosanna »,
« Hoshanna ». Non seulement ils chantent, mais aussi
manifestent leur allégresse par des danses selon leur culture en train de remuer
des palmes à l’air. C’est une journée vraiment émouvante qui agite Jérusalem.
Le christianisme se sent dans toute la ville.
Le point d’arrivée, est la
Basilique de Sainte Anne. Cette dernière est une église catholique de Jérusalem, située dans la
vieille ville. Elle est actuellement confiée aux
« Pères
blancs ». Elle se trouve juste à côté du site archéologique de la piscine
probatique. Selon une tradition chrétienne orientale, la crypte est située sur le
lieu de la maison d'Anne et Joachim, les parents de la Vierge Marie à Jérusalem, dans laquelle elle serait née. Une église byzantine y a été
construite du temps de l'impératrice Eudocie, dédiée à la Vierge Marie. Elle a été détruite par
l'invasion perse de 614 ap. J.C., puis
reconstruite et de nouveau détruite en 1009 ap. J.C. par Al-Hakim. L'église actuelle, de style romain, a été construite par les Croisés en 1140 ap. J :C . et
a tout de suite été dédiée à sainte Anne. Après la conquête de Jérusalem par Saladin, l'église est transformée en 1192 ap. J. C. en
école de droit coranique. En 1856ap.J.C., après la guerre de
Crimée, la France reçut l'église du Sultan Abd-al-Majid en remerciement de son aide à la
Turquie. Sainte-Anne fut donc restaurée et l'État français la confia en 1877
ap. J.C. à Monseigneur Lavigerie et à sa Société des Missionnaires d'Afrique. Entre 1882 et 1946 ap. J.C., le
lieu abrita un séminaire pour la formation des prêtres grecs-catholiques.
Aujourd’hui elle attire beaucoup de pèlerins.
C’est là que finit la procession
avec une bénédiction solennelle des mains du Patriarche (du patriarcat latin)
de Jérusalem vers 18h00’. Et comme si cela ne suffisait pas, les Scouts de
Jérusalem parcourent les rues avec des rameaux jusqu’à vers 22h00’. C’est
certainement une allégresse continue pour des chrétiens catholiques en ce jour.
Notre réflexion a porté sur
l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem. Nous avons pourtant montré que cela
est une configuration du salut pour le peuple élu meurtri par l’occupation
incessante des populations étrangères. En effet, Jérusalem reste, depuis des siècles
un centre de religion et de spiritualité, raison pour laquelle elle attire bien
de pèlerins. Son histoire est marquée par des guerres et des luttes. Sa
position stratégique a fait que beaucoup
de nations l’ont conquise. Certaines parmi elles, ont réussi à la dominer. Cette
ville a connu des périodes bien variées : de guerre et de paix, d’amour et
de haine, de richesse et de pauvreté, de destruction et de reconstruction, de
bonheur et de malheur.
Certes, Jésus, à son tour, y
apporte le salut en ce sens qu’il y vient librement pour se donner en
sacrifice. Ce sacrifice vaut pour tout le peuple croyant. C’est pourquoi tous
les chrétiens manifestent la joie d’être sauvé de la condition pècheresse. Cela
se vit bien le dimanche des Rameaux et dans chaque célébration
eucharistique quand tous reviennent sur ces paroles: « Hosanna ! Beni soit celui vient au nom
du Seigneur » pour montrer que, non seulement l’entrée de Jésus à Jérusalem
apporte le salut au peuple juif, mais aussi qu’Il vient à la rencontre de tous
les peuples pour les sauver. Ainsi appartient-il à chacun de l’accueillir pour
revêtir d’un homme nouveau. Le Sauveur est déjà là. Le Messie vit parmi nous et
avec nous.
Enfin, n’ayant pas donné, ici,
une vue exhaustive, il est clair que l’argument demeure à renchérir.
BIBLIOGRAPHIE
1. OUVVRAGES
1. A. CHOURAQUI, Histoire du Judaïsme, P.U.F, Paris,
1957.
2.F. MANNS, Le Judaïsme, Milieu et mémoire du Nouveau
Testament, Franciscan printing
press,
Jérusalem, 2001.
2
OUTIL
Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Hosanna
(07.04.2016).
Table des matières.
TABLE DES MATIERES……………………………………………………………………………………………………………………………………………13
[1] F. MANNS, Le Judaïsme, Milieu et mémoire du Nouveau Testament, Franciscan
printing press,
Jérusalem, 2001, p. 28.
[2] F. MANNS, Le Judaïsme, Milieu et mémoire du Nouveau
Testament, p. 32.
[3] F. MANNS, Le Judaïsme, Milieu et mémoire du Nouveau
Testament, p. 36.
[4] F. MANNS, Le Judaïsme, Milieu et mémoire du Nouveau
Testament, p. 41.
[5] A. CHOURAQUI, Histoire du Judaïsme, P.U.F, Paris,
1957, p. 96.
[6] Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hosanna (07.04.2016).
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